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J'écris.

J'écris parce que pour l'instant, je n'ai pas envie de demeurer muet. Je veux écrire même si parfois je dois me méfier des phrases que j'offre avec candeur et sincérité, m'exposant ainsi aux critiques et meurtrissures les plus vives. J'espère me débarrasser un jour de cette défiance qui me force à cacher mes blessures, comme la coquille de l'huître cache sa perle jusqu'à la venue du couteau qui l'éventre.

 

J'écris.

J'écris pour m'ôter de l'esprit les images qui l'encombrent.

Lorsque mes pensées virent à l'obsession, l'écriture devient un exutoire, une thérapie

Et pourtant il m'a fallu bien du courage pour vaincre mes complexes vis-à-vis de l'écriture. J'ai dû m'y reprendre à plusieurs fois avant que les mots ne sortent de ma bouche pour s'aligner sur le papier. Il m'a fallu surmonter les peurs accumulées durant toutes ces années et ne le faire que parce que j'en ressens le besoin irrépressible depuis l'événement qui a bouleversé ma vie et qui a dynamité le barrage qui domptait la rivière de mes sentiments.

J'écris, sans que je le veuille vraiment, sans l'avoir prévu, me laissant porter par le hasard de mes intuitions.

J'écris parce qu'un jour quelqu'un m'a suggéré d'écrire.

Ecrire c'est, d'une certaine façon, prendre possession des événements, les circonscrire, les forcer à entrer dans le champ de la conscience, leur jeter un regard lucide, admettre qu'ils sont là, les apprivoiser.

Par le fil des mots, j'essaye de recoudre les lèvres de mes plaies. Mais ne devrais-je pas être raisonnable et ne pas offrir cette écriture et m'enfermer dans le silence ? En exprimant mes sentiments et en les partageant, je risque de briser des liens. Pourtant, ce que l'on écrit sur le coup de l'émotion, c'est souvent l'expression de notre vérité. Ces occasions, qui mettent le cœur à nu et qui nous font sortir de la grisaille de l'habitude, sont tellement rares. Alors, quand elles sont là, doit-on se réfugier dans la solitude du mutisme ?

 

Tant pis, ou tant mieux, si la lumière est trop forte.

Si les liens se brisent, c'est qu'ils étaient trop fragiles.

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J'écris.

J'écris parce que j'ai froid et que je me noie dans un océan de frissons portés par des vagues successives qui naissent au sommet de mes épaules, envahissent mes flancs, déferlent sur mes jambes, meurent dans la froideur de mes draps et renaissent aussitôt et repartent à la conquête des plages de mon corps. Alors je me lève, je m'emmitoufle et j'écris. J'écris, car dans ces moments-là, je suis seul et je dois me débrouiller avec cette solitude, avec ce désarroi et suivre la guidance de mes voix intimes. J'accepte d'affronter mes peurs et de ressentir mes émotions.

 

J'écris.

J'écris parce que j'aime savoir que les idées, les phrases, les mots qui sont nés dans ma tête se mettent à voyager, se dispersent dans l'espace et finissent dans le cœur de celui qui voudra bien les accueillir. Alors, le temps s'abolit, sans se connaître, deux êtres se font vases communiquant par le liquide des mots assemblés.

Communiquer, c'est peut-être à cela que servent les amis ? Communiquer, être là quand les autres n'y sont plus et offrir une présence par la pensée. C'est de savoir que l'on appartient aux pensées de quelqu'un qui vous aide à exister. Savoir cela me permet de mieux traverser les heures qui sourdent la difficulté.

 

J'écris parce que je ne veux pas que le silence s'installe, que la gêne s'insinue sournoisement, encore une fois, qu'elle étouffe mon être dans la manifestation d'une pudeur infinie.

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J'écris.

J'écris au gré de mes humeurs, sans trop de cohérence, entre l'optimisme et le découragement. J'écris pour savoir ce qui est bien, ce qui est mal, pour devenir "l'observateur" de ce que je suis. L'observateur de cette histoire incroyablement difficile qu'est la vie. La vie… celle qui m'a été donnée à mon corps défendant et que je déroule sans trop savoir où elle me mène ; je suis l'acteur de ma vie, mais je ne sais pas dans quelle pièce je joue. Et pire, je ne connais pas mon rôle. Je fais très souvent le même rêve : je suis devant la foule et je dois discourir dans une langue étrangère dont je ne connais pas un traître mot. Cette situation incongrue est peut-être symbolique de ce que je suis. Mais que suis-je…?

Je ne crois pas être une pulsation de la vie qui participe à la grande pulsation de l'univers vers un destin commun (T.Janssens).

Pour moi, la vie ne trouve des justifications qu'en elle-même et dans la beauté de l'amour qui la transcende, dans la beauté de la nature, dans la créativité positive des êtres.

Et pourtant, je désespère des progrès de l'humain. Je ne crois plus trop en l'homme ; je me défie de lui, je me défie de toi, je me défie de moi, je me défie des défections de l'amitié, je me défie de l'amour, je me défie de l'égoïsme et de la cupidité qui se pendent à nos flancs comme des sangsues sur la peau et qui sucent tous les désirs de faire ce qui est bien.

Doit-on avoir confiance dans cet être qui se dit humain ?

Il a développer des techniques merveilleuses pour prolonger la vie et la rendre plus acceptable et dans le même temps il a mis au point, et appliqué, des procédés de destruction terriblement efficaces pour éliminer cette même vie. Combien d'argent dépensé pour les uns, combien d'argent dépensé pour les autres ? Combien de vies sauvées pour combien de vies tuées ? Et quand il sauve, c'est souvent pour la gloire ou l'argent. J'ai parfois l'impression qu'il ne se donne licence que pour le mal et que c'est la seule passion à laquelle il ne met point de limites.

Qu'est-ce qui a changé depuis la nuit des temps ? Nous sommes toujours aussi cruels, aussi indifférents, peut-être même plus. J'aime cette publicité où l'on voit des personnes se détourner de celui qui se noie, de celle qui meurt d'une crise cardiaque…etc. Elle est l'exact reflet de l'indifférence et de la cruauté de notre temps. 

Avons-nous encore la capacité de bâtir la cathédrale, pure et belle, qui nous rassemblait dans un destin commun ? L'œuvre d'art, souvent, n'est plus là pour embellir et ennoblir notre cœur, mais pour enrichir les spéculateurs. Que de beautés détournées au profit de l'envie !

C'est vrai que l'obscurité met la lumière en valeur, faut-il pour cela admettre sa présence et ne pas tout faire pour la combattre ? Faut-il se couper une jambe pour savoir comme on est bien quand on possède les deux ? Est-ce vraiment du courage que d'accepter ses faiblesses ? Le courage n'est-il pas dans la révolte ?

Je suis désespéré de me sentir impuissant dans le fracas des bombes qui explosent autour de moi.

Peut-on croire que les quelques îlots d'amour parviendront un jour à changer le cœur de l'homme ?

Passage à vide, passage éclairé, passage pessimiste, passage réaliste, banalité ?

Dehors, comme une réponse, le chant d'un merle traverse le silence, un grand silence qui emplit l'espace au gré de la lente oscillation de mes réflexions.

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J'écris.

J'écris parce que je crois à la simple force des mots et au chant de l'écriture.

J'écris, mais au moment même où j'écris, je voudrais tout garder pour moi, mais j'écris quand même, car je ne peux pas faire autrement.

J'écris.

J'écris le mot aimer… C'est quoi aimer ? Comment aimer ? Jusqu'où aimer ?

Sans les espérer, pour déterminer ma façon d'être, je voudrais des réponses claires tout en sachant qu'elles seront différentes pour chacun de nous.

Bien souvent, je n'ai pas su quoi faire, comment me comporter.

Je voudrais renforcer le souhait que j'ai depuis toujours, mais qui se pose avec de plus en plus d'acuité, de ne pas infliger à ceux que j'aime, la nouvelle qui, inexorablement un jour, provoquera leur chagrin ou qui affectera profondément leur vie. Mais je ne sais pas comment faire. J'aurais dû y réfléchir avant d'aimer.

Pourquoi aimer ?

Aimer quelqu'un, serait-ce se refuser de l'aimer pour le préserver à tout prix des coups qui le blesseraient mortellement ? Aimer, serait-ce être capable d'attendre de l'autre qu'il se sauve avant que l'attachement soit indéfectible ?

Aucun lien n'est indéfectible, puisqu'aussi sûr que la nuit tombe, d'une manière ou d'une autre, ils finiront par se rompre à la fin de la vie. Et ne me parlez pas du lien dans le souvenir quand l'autre n'est plus là. L'amour ne se contente pas de souvenirs. Que devient l'amour quand il n'y a plus de rencontre physique possible ? Que devient l'amour quand les bras n'étreignent plus que le vide… Que devient la vie pour celui qui reste ?

Aimer, est-ce une manifestation de notre égoïsme caché ? Est-ce assouvir, dans l'instant, ses propres désirs ? Faut-il plus de courage pour ne pas aimer plutôt que pour aimer ? Faut-il ne pas aimer pour ne pas souffrir…pour ne pas faire souffrir ? N'est-il pas plus facile de mourir que de voir partir ceux qu'on aime ?

 

Aimer, serait-ce partir dans l'apaisement d'avoir aimer et d'être aimer ?

Je m'interroge et mes points d'interrogation sont déjà des réponses.  

J'écris… Je crie. Avez-vous remarqué la gémellité de ces deux mots ?

J'écris.

J'écris, car j'en éprouve le besoin. Besoin d'exister, besoin d'affections sans doute, tout en sachant que je me défie d'elles, car je n'oublie pas qu'elles peuvent finir très brutalement, ou tout doucement dans l'indifférence. Je voudrais que mes amitiés soient franches, mais sans illusion. Qu’elles soient fortes, mais en restant conscient de leurs extrêmes précarités. 

J'écris au gré de mes humeurs, mais dans le même temps je ne veux pas imposer la moindre obligation à mon égard. La liberté des autres m'importe plus que la mienne. Je ne voudrais pas être envahissant et m'imposer, c'est pour cela que je n'ose rien demander. J'espère que si l'on me trouve encombrant, on me le fera comprendre et je me retirerai sur la pointe des pieds.

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Dans le milieu de la nuit, je m'éveille en sursaut et je ne peux me rendormir. Je vole au sommeil ce que je peux d'heures de rêveries et de ruminations. Dans la nuit languissante, je parcours et me perds dans les immenses plaines et les vallées profondes de mon passé. Je les fais renaître, si net, sous mes paupières closes. Je ne peux me souvenir mieux que dans ces moments de tout ce que j'ai fait, de tout ce que j'ai vécu, de tout ce que j'ai aimé.

 Alors j'écris, tandis que la lune, par la fenêtre, habille mes songes de silence et que le passé se mêle au présent. Avec les mots, je me confectionne des gerbes que je place l'une contre l'autre pour former les diseaux dans lesquels je me réfugie, comme je m'y réfugiais, lorsque j'étais enfant. Et je me cache dans ce havre de paix, car je ne veux pas voir la terre nue et sans défense, semblable à la peau d'un crâne rasé, offerte à la charrue prête à l'éventrer. Sous cet abri fragile, dans la senteur du blé, le corps dans la pénombre, environné de rayons d'or dessinant sur le sol des confettis lumineux dans lesquels danse la poussière, j'observe une épeire qui patiemment tisse sa toile ; elle ne sait pas que dans ce repaire éphémère elle travaille pour si peu de temps. Dans l'assourdissant silence, j'entends dans le lointain de ma poitrine le galop fou d'un cheval emballé, tandis que dans le ciel des hirondelles tracent leur vol en riant au soleil qui roule en boule au sommet des épis.

 L'obscurité de la nuit, et son immobilité caressante, font place à la fine lueur de l'aurore et à la brève agitation du vent. Dans l'aube grise j'aperçois à nouveau le balancement des branches. Un vent léger se lève et, en se plaignant dans les corniches, recouvre le vacarme assourdissant de mes souvenirs. Lorsque le jour naissant, dans ses reflets bleutés, ramène le cortège des bruits de la vie qui s'éveille, l'absolu se retire de moi avec la violence d'un fleuve en crue. Epuisé, je m'endors en espérant en moi contre mon avenir, tandis qu'un lointain soleil émerge des brumes de l'Est.

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J'écris.

J'écris pour retrouver cette part de mon enfance que je m'efforce de traquer dans les méandres de ma mémoire. Dans la mesure de mes possibilités, j'affectionne de parcourir les sentiers de jadis, de me retrouver devant l'église au centre du village, d'emprunter les anciens chemins de terre qui, à cause de la prétention dérisoire de la facilité, sont maintenant presque tous bétonnés. Oui, hélas, sur les chemins déserts qui me font pénétrer dans cet autrefois composé d'interminables champs de blé, il n'y a plus que ces langues grises et quelques ronces dégénérées, faisant de cette terre natale une étrangère tant je la trouve méconnaissable.

De temps en temps, au hasard d'un talus, au détour d'un chemin, dans la courbe d'une terre, dans la blancheur de la neige ou les lumières chaudes de l'été, jaillissent subitement, intacts, des souvenirs qui font renaître mon regard d'enfant. Et sur mon visage d'homme, pour quelques secondes, la vieillesse disparaît. Je voudrais prolonger cet instant de bonheur, mais rapidement, tel un manteau qui glisse, l'ivresse de ma jeunesse m'abandonne. Le temps écoulé s'impose comme une évidence et la mélancolie m'envahit. Mais c'est une mélancolie heureuse, car elle me permet de retrouver la saveur de l'émerveillement, cette saveur qui est toujours en moi, qui m'accompagne en silence, en secret, et qui à la vue d'une fleur sauvage ou de la robe d'un oiseau, se manifeste brusquement et déverse dans les couloirs de ma mémoire les effluves joyeux de l'enfance. Alors, toute la luxuriance des fleurs sauvages et leurs fragrances enivrantes, tous les papillons et les insectes formant des bouquets mouvants, tous ces bois et ces champs, toute la rivière, tous ces pays perdus, j'essaye de les reconquérir par la mémoire et avant qu'ils ne partent pour de bon, de les fixer en moi, à jamais… Nostalgie !

Et le combat reprend, avec ses alternances de trêves et de fureurs. 

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