22 mars 1916
Envie de voyage au-delà des mers.
Valises embarquées, étreinte affectueuse.
Baisé amour, baisé volé, baisé adieu.
Monotonie du travail ordinaire.
Joyeuse innocence et insouciance de l'enfant,
Les yeux remplis de rires éclatants.
Vacarme assourdissant,
Éclatement de la chair.
Artères explosées.
C'est l'amalgame du sang, du fer et du verre
Dans un effroyable enlacement.
Quelques secondes d'un étrange silence.
C'est la sidération.
La poussière et l'odeur de la poudre sectionnent la respiration.
Alors, hurlent la douleur et la peur.
Et puis, c'est la fuite éperdue de ceux qui sont encore debout.
Ils abandonnent leur valise et leur rêve d'un soleil débordant,
Ils enjambent les gravats et les corps mutilés
Dans cette rame éventrée, dans ce hall ensanglanté
Le quotidien devient fiction, la réalité est abomination.
Les brûlures défigurent,
Des corps sans tête gisent.
Des membres sont perdus dans l'éclatement de l'espace,
Le sang écumé se noircit par les flammes.
On appelle à l'aide,
D'autres portent secour, les mains se maculent de sang.
Au loin, des sirènes hurlent
Le tunnel frémit de lumières falotes,
Pleure l'effroi d'un enfant dans les bras d'un vivant
Qui marche, silhouette noire sur le ballast branlant.
Bruxelles, fracassée par la barbarie
Atterrée comme une veuve reniée,
Le corps frêle courbé par le souffle de la haine.
Déchirures extrêmes, le cœur est en deuil.
Rivière de pleurs dans les yeux meurtris.
L'âme remplie d'une tristesse indicible.
La pureté du blanc taché de sang.
Le coran détourné par les imposteurs.
Rue de la haine et de l'envie la mort ennemie est venue
Accompagnée du chant strident des sirènes.
Je regarde les images de ce carnage.
Les vagues de la rage noient ma tolérance
Envers ceux qui pratiquent ces actes innommables,
Au nom d'un prophète qui ne les adoube pas au martyr de la foi.
Pourquoi cette cruauté aveugle et sanguinaire?
Pourquoi ces actions abjectes ?
Pourquoi ces blessés et ces morts,
Engendrés par tant de barbarie arbitraire ?
Toutes ces familles endeuillées!
Puits noir est ma pensée dans laquelle je me noie.
Des réponses ne suffiront pas à éloigner
Cette indicible sensation
De ces morts inattendus.
Sanglots étouffés en sillon se déversent
Et renaissent en parterre de fleurs et lumignons,
Si fragiles au vent de la vengeance.
Comment supprimer la haine et les larmes de sang ?
Un rai de lumière lave mon cœur
Et allume le désir de la sérénité.
Transcender la folie meurtrière en sublime beauté.
L'aurore au soleil espéré ôte le froid de la mort
Et éloigne les ailes des déchirures extrêmes.
Vers la fontaine de l'amour, vole la colombe.
Elle y lave sa robe blanche tachée de sang.
Dans les cœurs en souffrance germent les racines du pardon.
Les pâlottes lumières dans le tunnel sombre
Ne tarderont pas à rivaliser le soleil.
L'amour de la vie, de la paix fraternelle finit par triompher.
L'espoir poétique du sourire cristallin de l'enfant
Chasse le noir horizon effaré.
Apparaît l'espérance dans le ciel gorgé d'étoiles scintillantes.
Le jasmin refleurit.
Salah, Khalid, Ibrahim et les autres…
Je déteste ce que vous êtes devenus.
Vous étiez des enfants,
On vous a aimé, vous avez aimé, vous avez ri et chanté.
Votre corps est fait de chair et de sang comme le nôtre.
Et pourtant!
Salah, Khalid, Ibrahim et les autres…
Je vous aime pour la promesse de votre enfance
Et pour ce que vous auriez pu devenir.
Au fond de votre âme subsistera toujours
Une étincelle d'humanité.
À vous et à moi de la refaire grandir
Pour qu'elle embrase votre cœur.
José 26/03/2016