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Ami

 

 A J....

J'ai téléphoné à mon ami.

Il a mal, très mal. Et j'ai mal. L'émotion me serre la gorge et me la dessèche comme la soif d'un jour torride.

On lui a volé son amour à peine naissant, mais déjà rempli de tendresse et qui, comme un bouton de fleur trop tôt coupé, n'a pas eu le temps de s'épanouir. Et pourtant, que de beauté contenue dans les liens déjà tissés.

Tous les éclats de la fête à peine éteints, il s'est retrouvé seul sous une pluie froide et nue qui lui transperça le corps jusqu'à atteindre son âme. Je ne connaissais pas sa compagne. Nos chemins s'étaient à peine croisés dans une chambre d'hôpital. Je n'avais d'elle qu'un fugitif souvenir. Dans cette circonstance difficile, toute mon attention s'était portée vers lui. Mais il m'avait si bien parlé d'elle, en me disant son amour si grand, que son image m'était apparue à côté de lui claire et nette dans mon esprit et dans mon cœur, comme si je l'avais toujours connue.

 

Un vide immense, qui paraît impossible à combler, s'est ouvert devant lui et je voudrais être capable de l'aider à le franchir. Mais, je ne peux pas arrêter le défilement des images et revenir en arrière pour lui éviter l'écueil.

Et je l'imagine solitaire, les yeux rongés par la tristesse dans l'angoisse de la nuit.

Alors, je lui écris.

Je lui écris pour qu'il soit moins seul, en cherchant des mots susceptibles de le rejoindre dans sa souffrance intime et si possible d'en atténuer un peu l'intensité en réduisant, par mon amitié, la douleur de la fracture.

Je voudrais qu'il essaye de soustraire des instants de bonheur à l'érosion de la vie.

J'ose lui parler de bonheur dans ce moment tragique pour susciter encore une fois, même si cela lui paraît être au-dessus de ses forces, cette mutation qui le fera rebondir.

Je veux lui dire que je voudrais le voir, fragile sans doute, rire à nouveau malgré ses espoirs anéantis.

Je voudrais le voir, loin de la mélancolie, frémir d'espérance.

Je veux lui dire que le soleil, même voilé par la brume de l'aube, diffuse sa lumière et finira par réchauffer son corps.

Je veux lui dire que la vie continue, que le rire des enfants… de ses petits-enfants, éclate au silence et qu'au printemps prochain les fleurs vont éclore et offrir leurs fragrances enivrantes mêlées aux chants des oiseaux.

Je veux lui dire que le rouge-gorge s'abrite pour laisser passer l'hiver et que le soleil venant, il reconstruira son nid et que son chant traversera à nouveau la blancheur de l'aube.

Je voudrais qu'il sache qu'il génère beaucoup d'amour autour de lui, et lui demande qu'il prenne soin de son corps et de son esprit.

Je lui écris car, je voudrais lui dire tout simplement que je l'aime.

 

Par une nuit sans sommeil, je me suis levé.

Par la fenêtre, je vois la lune qui, par sa lumière argentée, habille le silence immobile de la frêle silhouette d'un bouleau qui pleure.

Loin de la lourdeur de mon corps, dans la voûte céleste, des milliards d'étoiles emportent mon regard, près de la constellation du Bouvier où deux étoiles scintillent de tout leur éclat.  L'une est petite et pas encore adolescente. Elle a le visage encadré par une chevelure de la couleur d'un champ de blé, doré par les rayons d'un soleil d'été.  L'autre, adulte déjà, éclaire son visage d'un bonheur récent retrouvé. Elles sont si proches l'une de l'autre qu'elles se donnent la main. Elles se sourient et regardent un point précis sur la terre endormie. Elles veillent sur mon ami.

 

                                                                                                               José           10 décembre 2003

 

                                                                               ***

 

 



                                                                                                                                                                                

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- dans Métopes

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