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24 octobre 2016 1 24 /10 /octobre /2016 16:39
Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.

Au fil des kilomètres parcourus, le paysage a changé au point que je ne sais plus où je suis. Brusquement, la nuit est tombée et la pluie mêlée de neige a accéléré sa chute. Ce contexte complique le choix de la direction à prendre.

Je dois me poser et scruter les ombres au-delà des ténèbres. Espérer voir "La Lueur" sur l'horizon perdu.

 Alors, les lumières de la ville s'éteignent et sont remplacées par le sombre de la nuit tandis que la neige s'est complètement substituée à la pluie.

La quête de l'étoile inaccessible n'est plus qu'un lointain souvenir qui se dilue dans le flou noir qui m'entoure. La tentation est grande d'abandonner la route, de m'arrêter sur les bas-côtés et de me recroqueviller sous les grands sapins verts, de fermer les yeux et attendre. Attendre quoi…que le jour se lève?

Je sais que la lumière reviendra vibrante jusqu'à l'insoutenable. Elle effacera les ombres et supprimera les contours. Provocante, elle forcera le destin qui mènera à la fin, car la réalité insupportable s'écartèlera alors sous ses copeaux d'éclats aveuglants. 

Pour fuir tout cela, la solution est peut-être de faire demi-tour, repartir en arrière pour m'éloigner du présent et me nourrir d'une longue route déjà parcourue; retrouver l'enfant qui a illuminé ma vie.  Mais, ce serait nier l'image de l'instant. Ce serait devenir étranger à moi-même, à ce que je suis aujourd'hui.

Étranger à moi-même…et pourquoi pas ? Se laisser tenter… remplacer le "je" par le "il".

Ne pas savoir…ne plus savoir, renoncer au jeu que la société me propose. Passer de l'autre côté du miroir. Errer en marge de la vie. Renoncer à être et à sentir. Gommer les émotions pour ne plus souffrir. Chercher l'absolu de la vérité, froidement, intellectuellement, sans implication. Être au-delà de mon corps, le regarder agir, lui parler comme si je parlais à un autre. Divorcer du monde dans lequel ma personne se meut et fraterniser avec l'indifférence.

Mais qui suis-je pour vouloir ainsi déserter la pluie, le vent, le soleil, la vie et rayer la vacuité d'une existence sans être?

Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.

Mais la réalité efface le désir. Mes paupières sont devenues lourdes et le froid est insupportable. Je ne peux rester plus longtemps sans bouger. Je dois prendre une décision. Et finalement, dans un dernier sursaut de volonté, j'opte pour l'abandon de la voiture sur le bas-côté de la route. À peine sortis de mon véhicule, les flocons blancs m'enrobent de leur sarabande tourbillonnante. Un vent glacial les plaque sur mon visage rougi par le froid. J'hésite un moment avant de m'enfoncer dans la tornade blanche. Mais finalement, je franchis le fossé qui longe la route et les épaules courbées, j'essaye de trouver un chemin qui me mènera vers la chaumière protectrice et la chaleur de son feu de bois. Mais, je ne vois plus rien devant moi, car la chute de plus en plus dense des flocons colle ceux-ci à mes paupières et les scelle dans une robe de glace. Tous mes efforts pour les ouvrir restent vains et j'avance sans savoir vraiment où je vais. Mes jambes s'enfoncent jusqu'aux genoux dans la neige poudreuse qui rend ma progression de plus en plus pénible. Le gel s'infiltre insidieusement sur ma peau par les moindres interstices de mes vêtements. Ma respiration devient haletante et le froid brûle mes poumons. Je dois absolument me rendre à l'évidence: si je ne trouve pas rapidement un refuge, je vais mourir gelé et étouffé par la neige.

Curieusement, aucune angoisse ne me tenaille, mais une grande lassitude m'envahit peu à peu. Elle est accompagnée d'une irrésistible envie de me coucher sur le blanc manteau et de m'en faire un  linceul pour m'endormir doucement.

Ainsi, verrais-je enfin la vérité cachée derrière l'horizon disparu!

Mais, dans le lointain, des loups se mettent à hurler et bien vite leurs longues plaintes se font de plus en plus prégnantes. Mourir de froid passe encore, mais la perspective de ma chair déchirée par ces carnassiers m'est insupportable et je me remets debout et je reprends ma marche. Après quelques minutes, je me heurte à ce que je prends d'abord pour un grand rocher noir. En réalité c'est un mur cyclopéen. Étais-je sauvé? Était-ce un improbable et providentiel refuge dans cet enfer blanc? 

Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.

À tâtons, les mains glissant le long du mur, je longe cette barrière noire dans l'espoir de trouver une porte, qui une fois franchie, me permettrait de trouver un abri à l'intérieur de cet édifice. Après une bonne vingtaine de pas, un mur, que je devine perpendiculaire au premier, me fait changer de direction. Comme le vent redouble de puissance, je m'empresse de suivre cette nouvelle voie. Un troisième et un quatrième mur me ramènent à mon point de départ où je retrouve les traces de mon passage récent. Trois fois, je fais le tour de cette construction sans découvrir le moindre orifice.

Je suis épuisé, mes jambes ne veulent plus me porter et la meute rugissante n'est plus très loin.

Rassemblant mes dernières forces, toujours à la recherche d'une issue, je longe à nouveau les murailles qui, je le devine, forment une tour carrée. Mais elle est dépourvue de porte, de fenêtre; pas la moindre brèche. Et les pierres parfaitement jointives ne me laissent aucun espoir de pouvoir grimper sur cette surface lisse dont la masse sombre se perd en hauteur dans le nuage de flocons blancs.

Désespéré, je m'assieds dans la neige en me demandant comment faire face à la meute affamée qui maintenant est toute proche.

Et puis mon regard est attiré par une tache plus sombre que je n'avais pas vue auparavant. Elle dessine sur le mur de l'édifice un demi-cercle dont le diamètre est situé à la hauteur de la neige accumulée contre la paroi de la bâtisse. C'est une ouverture qui me paraît très petite. Mais, vite, il faut faire vite. Je n'ai pas le choix. Frénétiquement, mes mains s'efforcent de dégager la neige pour agrandir l'orifice. L'estimant suffisamment large, j'essaye de m'engager dans le trou. Impossible ! Les pierres forment un boyau trop étroit pour laisser le passage à mon corps. 

Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.

Alors, des grognements effrayants m'avertissent que les loups sont là. En effet, une douzaine de bêtes, plus grandes que moi, m'encerclent et bloquent toutes possibilités de fuite. Ils sont effrayants ! Les flocons blancs gelés s'agglutinent autour leurs poils et grossissent leurs silhouettes menaçantes. Tranchantes sur le fond rouge de leur gueule ouverte, leurs babines retroussées laissent percevoir des crocs si grands que les langues pendantes ne parviennent pas à les cacher. Vingt-quatre yeux noirs fendus chacun par une amande dorée me fixent intensément.

Ils se sont immobilisés. Certains assis me regardent sans bouger. D'autres, couchés, cachent leur museau entre leurs pattes pour se protéger du froid. Tous m'observent et attendent le signal du mâle dominant pour se ruer sur moi. Mais celui-ci semble prendre plaisir à contempler ma détresse et à retarder le déclenchement de l'assaut final.

Un sentiment de terreur vrille mon corps et me paralyse.

Alors, dans un dernier geste de désespoir, je me débarrasse de mon anorak et leur jette en pâture. Ils se ruent sur lui et, avec des grondements rageurs, ils le déchiquettent en quelques instants. Pour détourner leur attention, je leur lance les uns après les autres tous mes vêtements, y compris mes bottines de cuir sur lesquelles ils s'acharnent plus longuement.

Profitant de ce petit répit donné par l'obstination des loups à réduire mes vêtements en lambeaux, je plonge une nouvelle fois dans l'ouverture du mur… et cette fois, débarrassé de tous mes habits, je parviens à m'y infiltrer entièrement, tandis que les bêtes carnassières surprises par ma manœuvre poussent dans le noir de l'entrée du tunnel, des hurlements de rage en voyant leur proie s'échapper.

La muraille me semble épaisse de plusieurs mètres. En m'aidant des pieds et des mains et en m'accrochant à la moindre aspérité, je rampe dans un boyau étroit où l'air est irrespirable. La boue et le gel qui garnissent le fond m'aident à faire glisser mon corps et m'assurent une progression lente, tandis que les loups continuent à aboyer leur colère à l'entrée de la trouée.

Après quelques minutes qui m'apparaissent interminables, j'aperçois enfin la clarté du bout du passage. Après un ultime effort, j'émerge de ce boyau en étant complètement nu, glacé et épuisé. 

Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.

À ma grande surprise, alors que je m'attendais à déboucher dans une cour fermée, au contraire un immense paysage, étonnant et merveilleux, s'impose à mes yeux. La tour a disparu. Une douce chaleur pénètre mon corps comme un dictame. Tout mon être se détend, mes muscles redeviennent souples et les blessures de mon corps causées par le frottement contre les pierres disparaissent.

Je peux contempler une large vallée baignée de lumière s'ouvrant devant moi.

Une rivière dont l'eau, transparente comme celle de la source déroule en son milieu un ruban perlé d'éclats lumineux.

Dans la prairie, des coquelicots, des boutons d'or, des ombellifères, des orchidées, des renoncules, des bleuets, des cosmos, des narcisses et bien d'autres fleurs de mon enfance forment un tapis coloré et odorant.

La rivière est bordée par des arbustes qui peignent un camaïeu de verts tendres allant du jaune citron au bleu profond sur lequel se détachent des cornouillers blancs. La fragrance des viornes parfume l'air de la vallée.

Dans le lointain, la rivière se perd dans un lac bleu entouré de montagnes dont les sommets enneigés, embrasés par la lumière du soleil, scintillent comme des diamants. Sur les berges de cette étendue transparente, de nombreux animaux différents se côtoient et se désaltèrent tranquillement. Au bas des montagnes, de vastes champs de blé dorent les pentes douces.

Sur un grand rocher gris, un loup blanc lance son cri de ralliement et rapidement je me retrouve entouré d'une meute bienveillante. Mes mains s'enfouissent dans la toison épaisse des fauves qui sollicitent mes caresses en me léchant le visage.

Un soleil chaud et bienfaisant m'incite à me rapprocher de la rivière dont le murmure régulier fredonne une douce mélodie.

Tandis que je m'avance dans la prairie verte pointillée de taches de couleur, des insectes de toutes sortes et des papillons plus chatoyants les uns que les autres s'envolent en bouquet vivant. Des hirondelles tracent leur vol rapide et acrobatique tout en accompagnant ma progression vers le cours d'eau. Certaines me frôlent de si près que je pourrais les toucher du doigt. Dans les arbustes, les bruants, les pinsons, les loriots, les accenteurs mouchets, les fauvettes, les merles, les mésanges, tous les passereaux du monde, accordent leurs chants dans une vaste harmonie.

Un immense bonheur et une douceur infinie envahissent mon cœur. Jamais je ne m'étais senti si heureux.

Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.

En arrivant près de la rivière, je distingue la silhouette d'un jeune garçon de sept ou huit ans. Il est entièrement vêtu de blanc. Ses longs cheveux blonds, légèrement ondulés, m'empêchent de distinguer son visage penché sur l'onde transparente. Il m'a entendu venir, car il se redresse. En m'apercevant, un large sourire se dessine sur son visage et il se met à courir dans ma direction. Il s'approche rapidement et ses petites jambes semblent ne pas toucher le sol tant sa course est légère.

Et soudain, je le reconnais. Le garçon qui coure vers moi… c'est moi !

À la douceur et au bonheur qui m'avait envahi, s'ajoute le choc d'une grande émotion. Moi aussi je me mets à courir vers lui en écartant les bras, plein d'amour pour l'accueillir et le serrer contre moi. Mais, au moment où la jonction se fait, je me réveille.

C'était un rêve et ce rêve m'avait emporté dans un autre ailleurs, celui de mon enfance où je pouvais fuir l'esclavage de l'habitude et refuser d'emprunter toujours les mêmes chemins.

Un étrange sentiment de plénitude dilate mon cœur.

Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.

Et depuis ce rêve, j'ai navigué en solitaire et atteins l'île merveilleuse ou le temps n'existe pas. L'esprit joyeux débarrassé de mes stéréotypes, tout en suivant un filament d'espace, je marche enfin pieds nus sur le sable blanc, à la rencontre de la vague cristalline. Je crée une ouverture personnelle faite de la fusion de ce qui m'entoure avec mon vol à l'intérieur de celui-ci.

Être, ressentir le chaud soleil sur mon corps, avaler la lumière, me mettre en syntonie avec tout ce que je crois beau et supprimer l'affrontement du temps qui passe font que je ne crois plus à la fin du chemin. Voilà ce qui est devenu mon essentiel. J'étire les boucles du temps, je supprime "l'avant" et "l’après ».  Je fusionne le temps et l'espace dans une immobilité prégnante et j’introduis une étincelle d'infini dans le chemin de ma vie.

Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.
Être libre de rêver ce que je suis.

C'est ma nouvelle  volonté de penser mon monde dans le temps de l'instant et d'entrevoir un  horizon peuplé d'espoirs insensés et de rêves sans limites pouvant donner du sens à mon présent. Je découvre ce que je suis vraiment en rejoignant le moment de mon enfance et je refuse de percevoir ce qu'il y a derrière l'écran de mon ignorance !

Dans cette fin d'hiver, je neutralise en les coagulant les minutes qui s'égrènent en une cascade d'écume menaçante et j'enferme mes angoisses dans la nasse de mes interrogations.

Ma vie s'avive encore et je veux y entrer. Je ne veux plus être étranger au souffle du violon qui chante dans le lointain.

Je veux me laisser imprégner par la douceur d'un temps vécu au ralenti et le remplir de rêves voyagés sur les ailes des oiseaux.

Mais, ces mots, ces phrases que j'utilise ne sont qu'un pâle reflet de ce qui est en moi, car il n'y a point de mot pour dire qui je suis. Et pourtant, ce moi, j'essaye de le dessiner par l'écriture sur l'horizon du futur en espérant trouver la vie à l'état pur, comme soutenue seulement par le fragile battement d'ailes transparentes de la demoiselle que j'observe sur la mare. L'air qui entoure cet insecte est si fin, si léger si diaphane qu'il est invisible et paraît inexistant. Et pourtant, il est là et porte dans sa fragilité toutes les délicatesses du monde.

 

Au bout d'un moment, la libellule finit toujours par se poser sur le miroir de l'eau. Le reflet bleuté de ses ailes est alors comme un enchantement. Et puis, elle s'envole et disparaît définitivement, tandis que l'eau qui reste seule n'est plus pareille.

Alors, on pleure parce que seul dans le désert on ne sait comment retrouver son chemin.

 

Être libre de rêver ce que je suis.
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Être libre de rêver ce que je suis.
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